Critique d’art

André Edinval-Sidambarom

« Ce n’est pas le résultat qui est l’essentiel dans la vie, 

mais le chemin et le sens qu’on lui donne. »

Luc Ferry

Ça lui est venu de façon spontanée à un temps T de son parcours de vie. 

C’est ainsi qu’André Edinval-Sidambarom retrace son entrée en peinture qui remonte à moins de cinq ans, alors qu’un chevalet offert par des amis attendait paisiblement qu’il se décide à empoigner les couleurs. Grand lecteur, amateur d’art et de philosophie, cet ingénieur en informatique affirme être fréquenté par une grande liberté quand il manie la matière avec le pinceau ou le couteau. Autodidacte, ouvert aux pratiques multiples et à l’expressionnisme abstrait, il se laisse conduire parmi les gestes et les teintes pour exprimer le non manifesté, parfois même une forme de sacré. 

Pour lui, peindre « c’est du silence, une sérénité, se retrouver soi, dans son corps, dans son âme ». Dans son processus de création, il est dans la spontanéité, dans l’élan vital, écrit-il dans ses notes intitulées Propos et éléments de langage. À observer de près les toiles réunies dans l’exposition Itinéraires, ce sont plusieurs parcours sans GPS que l’artiste vous invite à emprunter ; des musiques du monde, des odeurs de musc ou de santal, des émotions bien vivantes et vibrantes se dégagent des toiles qui dialoguent avec le public. Chacun trouvera l’œuvre qui le fera cheminer, tant la perception d’une œuvre d’art abstraite est aléatoire, même si elle peut être allusive. 

André Edinval-Sidambarom utilise le mot humanités pour désigner sa pratique picturale et les itinéraires parcourus. Ces humanités réunissent l’ensemble de ce qui l’a nourri avant de se lâcher sur la toile. Dans le trait, le geste, la couleur chaude ou froide, l’espace épuré ou bien occupé, la joie ou la tristesse évoquée, le peintre accepte ce que l’œuvre lui raconte. C’est au cœur des sciences humaines que ses tableaux nous charrient et nous promènent. Peinture polymorphe propice à la réflexion, voire la méditation pour certaines toiles, l’expression plastique d’André fonctionne par strates cognitives. Ses œuvres qui n’ont pas de titre, mais des noms de séries sont tels des compositions, une expression pure de l’émotion par le geste et la couleurincitant à la rêverie et à l’évasion.

André Edinval-Sidambarom dit pensé peinture durant la journée, ce qui le remplit dans un juste équilibré de complémentarité avec le traitement automatique de l’information numérique qui l’occupe dans son métier. Issu d’une famille d’origine indienne dont la lignée compte l’humaniste Henry Sidambarom, homme politique et figure historique de la Guadeloupe, André croit fermement en la faculté de l’esprit et de l’art à faire œuvres de mémoires.    

Lire la peinture abstraite en prenant les Itinéraires de l’artiste, c’est aussi pénétrer l’intimité de l’œuvre avec une très grande latitude d’interprétation personnelle ce qui lui confère cette faculté de sonder l’âme humaine dans une époque où la mise en question de l’image et de la figuration devient parfois problématique. Ainsi, comme l’écrivait Friedrich Nietzsche dans Le Gai Savoir (1882) « l’artiste a le pouvoir de réveiller la force d’agir qui sommeille dans d’autres âmes ». 

Nathalie Hainaut
Critique d’art / Guadeloupe, juin 2023